Le marketing d’influence et la politique : feu de paille ou tournant dans la communication politique ?

L’influence, éminemment politique

L’influence est par essence un objet « politique » lorsque l’on entend le terme en son sens le plus large : celui de la cité. Les grecs entendaient par la polis, le politique : l’organisation d’une société autour d’un ensemble de règles tacites ou écrites et l’exercice du pouvoir en son sein. Puisqu’elle rassemble autour de leaders d’opinion, de personnalités charismatiques ou d’idées remarquables, l’influence est au cœur de la cité, de la politique. Des milliers d’années de pratiques rhétoriques et d’évolutions techniques ont modifié les comportements de communication politique. D’un homme charismatique vêtu d’une longue toge palabrant en place publique à un hologramme en direct depuis deux villes en même temps, la parole politique suit les tendances… ou pas. Elle essaie, s’adaptant à des technologies et usages nouveaux et tâtonnant afin de s’adresser à une cible jeune connectée et au « temps de cerveau disponible » plus que jamais limité. Comment le marketing d’influence, levier d’acquisition de clients, a imprégné le milieu politique ? Comment les femmes et hommes politiques se sont saisis des nouvelles tendances d’influence dans le cadre de campagnes de communication, de séduction ?

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Le marketing d’influence pour dépoussiérer la communication politique

Le marketing d’influence permet de faire la promotion de son produit ou de son service auprès d’une cible en utilisant la notoriété et la crédibilité d’un tiers afin d’acquérir de nouveaux prospects, de gagner en visibilité et de générer des ventes. Ces trois objectifs sont le quotidien des marques et enseignes privées qui ont depuis quelques années largement pris conscience de l’intérêt de s’incruster dans les communautés d’influenceurs. Etre visible au travers d’un influenceur, c’est acquérir de la visibilité auprès d’un public que l’on n’aurait pas nécessairement atteint au travers d’autres canaux, mais c’est avant tout parler à un public « pré-acquis ». Les followers font confiance à l’influenceur et sont prédisposés à l’écouter ; c’est ce gage de confiance qui attire notamment les représentants politiques sur le terrain de l’influence digitale et de la collaboration avec des influenceurs.

En 2021, la tendance au marketing d’influence n’a pas échappé aux femmes et hommes politiques, d’autant plus qu’il s’adresse à une cible jeune échappant de plus en plus aux canaux traditionnels de la communication politique (radio, télévision, presse écrite, affichage, flyers). Les politiques ou représentants de l’exécutif désireux de dépoussiérer les codes de communication afin de promouvoir la proximité et d’atteindre les jeunes n’en sont pas à leurs premiers essais. D’un Valéry Giscard d’Estaing qui s’invite à dîner chez les Français au Parti Socialiste qui adopte les techniques américaines de porte à porte, les techniques et tentatives de séduction sont nombreuses pour se rapprocher de celles et ceux qui ressentent une distance sociale et économique avec leurs représentants et dirigeants. Alors que la crise de confiance envers les institutions et les représentants du pouvoir n’est pas nouvelle, elle a rarement été aussi prégnante et médiatisée, rendant tout discours potentiellement complotiste. Qui croire et comment être cru ? Les influenceurs semblent avoir le remède : authenticité, proximité (au moins virtuelle), jeunesse, fun ; ils sont suivis, appréciés, écoutés et crus. Une aubaine pour le monde politique.

L’usage du marketing d’influence par l’exécutif français en 2021

Le principe du marketing d’influence est, si l’on en grossit le trait, assez simple : il s’agit pour l’influenceur de monétiser, de commercialiser une communauté qu’il a créée, avec qui il échange couramment et qui a confiance en lui. Etre visible avec ou sur les réseaux d’un influenceur, c’est avant tout avoir accès à une communauté fidèle et à l’écoute, qui - contrairement à la passivité imposée par une émission de télévision ou de radio - a l’opportunité d’interagir, de commenter, de partager, de critiquer, favorisant ainsi l’impression de proximité. 

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Quitte à déplaire, ou à créer la polémique, l’exécutif français semble avoir tranché et préfère prendre le risque de faire le bad buzz plutôt que de rester inactif face à une cible qui lui échappe.

C’est notamment le cas de Gabriel Attal qui fait le choix de recevoir à l’Elysée des influenceurs lors d’un direct en streaming sur Twitch. La plateforme à l’audience croissante est d’autant plus délicate qu’il s’agit d’un contenu live, sans filet. Si son intervention, mercredi 24 février, face à 5 jeunes influenceurs a été critiquée au travers du #etudiantspasinfluenceurs, elle a aussi attiré l’attention de milliers de jeunes, simples curieux ou fans des influenceurs invités. Censé se livre #sansfiltre, le porte-parole du gouvernement partait à la rencontre virtuelle des jeunes. Ce n’était pas parfait, c’est facilement critiquable par ceux qui sont rôdés à ce genre d’exercice mais l’initiative mérite d’être soulignée car elle fait partie d’une nouvelle ère de la communication politique.

Ce premier exemple a été suivi du challenge lancé par le chef de l’Etat, à deux influenceurs : McFly et Carlito. Emmanuel Macron lançait aux deux youtubeurs français suivis par plus de six millions d’abonnés, le défi de créer une vidéo sur les gestes barrières et de dépasser les dix millions de vues, en échange de quoi il participerait à une autre vidéo du tandem. En 48 heures, la vidéo était écrite, produite et diffusée et en 36 heures, les 10 millions de vues étaient atteints. Le Président de la République leur ouvrira donc les portes de l’Elysée pour se livrer à un concours d’anecdotes. Une vidéo à venir qui devrait également générer une forte audience et de nombreux commentaires.

Le monde politique a t-il pris le virage de l’influence marketing ? Peut-être. Les essais et leurs tâtonnements inhérents se suivent, mais la tendance est réelle. Et qui sait si nous ne recevrons pas prochainement un jour un code promo « Elections22 », ce qui ferait une belle étude de cas à étudier chez ffollozz.